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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/203

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MARQUIS DE SADE — 1779
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courts moments de gaieté qu’il nous montre de temps à autre, nous essuyons, à la suite, des orages où la grêle crible nos cœurs de part en part……

J’eus occasion d’écrire à madame l’héroïne de la fausseté (car elle ne l’est pas autrement, entendons-nous) ; je touchais dans ma lettre la nécessité des affaires, le danger d’une longue détention et enfin la santé délabrée de sa fille. Que croyez-vous qu’elle m’ait répondu ? Une lettre assez courte, où l’humeur est marquée à tous les coins, et la termine par me dire qu’elle aurait cru que j’aurais plutôt calmé l’esprit et le cœur de sa fille…… Elle passe comme chat sur braise aux bonnes raisons et, comme je vous le disais tout à l’heure, l’humeur la plus marquée se voit comme le nez au milieu du visage…… Sa haine est cachée avec grand art. Sa fille malade, mais grandement malade (c’est avant que j’arrive), elle vient la voir, reste un instant auprès d’elle, passe à la cave et au grenier, voit la femme de chambre qui est un ancien domestique, lors de leur mariage avec M. de Sade, et lui dit avec son petit air : « Il est malheureux pour ma fille que son cœur soit si épris pour son mari… — Ma foi ! Il est tout naturel qu’elle aime un mari qui a toujours eu de bons procédés pour elle ». Cette réponse lui a encouru l’indignation de madame la douairière ; elle critiqua tout : « Ceci n’est point balayé ; ce carton n’est point rangé ; cette casserole n’est point propre ; adieu, ayez soin de ma fille ». Je vous fais tous ces petits détails ennuyants pour vous faire prendre une teinture de son caractère. J’y suis très gauche, comme vous voyez ; cela est si loin du mien.

Je soupçonne et je crois que le projet de cette femme est de laisser longtemps M. de S. dedans. Toute sa famille à elle est d’une façon étonnante. Un oncle maternel à madame lui écrivait au jour de l’an : « Vous avez tort d’en vouloir à votre famille ; c’est vous que l’on devrait blâmer de vous voir acharnée après votre mari. Vous devriez songer que vous avez des frères et des sœurs à établir, etc. » S’il fallait que toute cette kyrielle fût mariée pour lui donner la liberté, je vous avoue que cela serait trop violent……

Nous voudrions bien voir l’oiseau hors de la cage. Il nous tue par ses réflexions… Il m’écrivait il y a quelques jours : « Il faut que ma femme dise ceci, cela à ma mère ». Et moi je réponds : « Votre femme a dit tout ce qu’il est possible de dire. Moi-même, pour avoir écrit avec toute la délicatesse, la précision et l’honnêteté qu’une amitié vive peut inspirer, elle en a pris de l’humeur. Elle a eu tort parce que cela m’a fait faire des réflexions peu avantageuses, où je vois clairement que votre détention n’est plus qu’un tripotage ». Si cette phrase passe, il y répondra. Si les rédacteurs l’effacent, ils l’auront lue ; c’est tout ce que je voulais……


Mademoiselle de Rousset conte des gaudrioles à l’avocat en protestant du sérieux de son caractère. (13 mars 1779).

Vous avez eu tort de refuser de coucher dans mon lit, monsieur. Que de jolies idées, quels jolis rêves, quelle douce volu… n’auriez-vous pas