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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/23

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— IX —


de l’état royal et de l’Église pour étaler complaisamment le fard et les mouillures de son mouchoir de comédien. Sa rage de destruction ne nuit en rien à l’outrecuidance de ses prétentions aristocratiques ; la hauteur de ses exigences alterne avec une humilité de mauvais aloi ou a besoin, pour se soutenir, de l’opportune intervention d’un prête-nom, d’un familier ou d’un subalterne. Il se livre aux surenchères toujours déçues de la lubricité, mais la fadeur des sentiments et de l’expression dépare jusqu’aux titres de la plupart de ses écrits. Ses livres les plus avouables n’offrent qu’une jonchée de rameaux sans odeur empruntés pour partie à la flore marécageuse de Jean-Jacques et, pour le reste, à l’herbier du baron d’Holbach ; les autres ont plus de relief, malgré l’ennuyeuse tension d’un récit construit sur des images, car le « sadisme » mental du marquis y a trouvé son expression théorique.

Ce plaidoyer qui veut être un système emprunte une apparence de rigueur et de liberté au fait qu’il ne se heurte à aucune contradiction intime ; pourtant il illustre surtout la position commode que M. de Sade a prise dans le quolibet éternel du bien et du mal. Ses théories physiques en forment l’argument ; sa littérature révolutionnaire le commentaire ; mais n’importe quel honnête homme en sait autant que lui sur la question. Dans la consommation des plus purs sacrifices comme dans l’accomplissement des tâches les plus généreuses, chacun a entendu surgir du fond de lui-même la voix du plaisir prochain. Elle est impérieuse et enivrante ; elle étreint notre cœur d’un brusque spasme libératoire ; c’est l’assaut de la lâcheté ou de la fatigue ; ce n’est pourtant qu’une misère qui nous est donnée avec les âcretés et les humeurs du sang et qui, par elle-même, ne souille pas. Il faut un contre-pied à l’héroïsme des forts, chez d’autres une passion qui crée la volonté, chez tous un truchement à la part de nous-mêmes qui ne sait pas se résoudre à la nécessité de souffrir. Le marquis en était tout incapable : il y a, dans de telles natures, un optimisme un peu comique de la honte et ce persécuté en a joui jusque dans ses malheurs.

Sa justification des aberrations sexuelles par des raisons tirées de l’histoire des mœurs offre plus d’intérêt critique, car elle montre l’innéité de ces vices féconds en passe-temps souillés et ingénus. Ils sont une partie du fonds primitif de curiosités et de tendances où une société vieillie et lassée de son acquis va chercher une sorte d’ivresse en recours de la connaissance en revirant vers ses origines. Mais la plus grande