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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/247

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MARQUIS DE SADE — 1782
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effet si simple, et je te pardonnerai dêtre moraliste quand tu seras meilleur phisicien. Tu veux analiser les loix de la nature, et ton cœur …ton cœur ou elle se grave est lui-même une enigme dont tu ne peut donner de solution… tu veux les définir ces loix… et tu ne peut pas me dire comment il se fait, que de petits vaisseaux trop gonflés, renversent à l’instant une tête, et fassent dans la même journée, un scélérat du plus honete des hommes… toi… aussi enfant dans tes sistèmes, que dans tes découvertes… toi qui depuis trois ou quatre mil ans — invente, change retourne argumente, en est pourtant encor a ne nous offrir pour recompense de nos vertus, que l’élisée des grecs, et pour chatiment de nos crimes, que leur fabuleux tartare — toi qui n’est parvenu après tant de raisonemens divers, tant de travaux, tant de poudreux volumes compilés sur cette sublime matierre — qui n’est parvenu dis-je qu’à mettre un esclave de titus a la place d’hercule, et qu’une femme juive a celle de minerve… tu veux approfondir, philosopher sur les egaremens humains tu veux dogmatiser, sur le vice et sur la vertu, tandis qu’il t’est impossible de me repondre ce que c’est que l’un, ou que l’autre, lequel est le plus avantageux a l’homme, lequel convient le mieux a la nature et s’il ne naitrait peut être pas de ce contraste, léquilibre profond qui les rend tous deux necessaires. Tu veux que l’univers entier soit vertueux, et tu ne sens pas que tout périrait a l’instant s’il n’y avait que des vertus sur la terre… tu ne veux pas entendre que puisqu’il faut qu’il y ait des vices, il est aussi injuste à toi de les punir, qu’il le serait de te moquer d’un borgne… et de tes fausses combinaisons… des digues odieuses que tu voudrais imposer a celle qui se moque de toi… quel en est l’affreux résultat… malheureux je frémis de le dire… qu’il faut rouer celui qui se venge de son ennemi, et combler d’honneur, celui qui assasine ceux de son roi, qu’il faut détruire celui qui te vole un écu, et l’accabler de récompenses, toi, qui te croit permis d’exterminer au nom de tes loix celui qui n’a d’autre tort que d’être entraîné par celles de la nature — qui n’a d’autre tort que d’être né, pour le maintien sacré de ses droits — eh ! laisse la tes folles subtilités,… jouis mon ami, jouis et ne juge pas… jouis te dis-je abandonne à la nature le soin de te mouvoir a son gré, et a l’éternel celui de te punir — si tu ne t’est trouvé qu’un infracteur ; — humble fourmi croupée sur cette motte de terre — traine ton fêtu au magasin — fais eclore tes œufs nourris tes petits — aime les — ne leur arrache pas surtout le bandeau de l’erreur — les chimères reçues, (je te l’acorde) valent mieux pour le bonheur que les tristes vérités de la philosophie ; — jouis du flambeau de l’univers — c’est pour eclairer des plaisirs, et non par des sophismes, que sa lumière brille a tes yeux — n’use pas la moitié de ta vie aux moyens de rendre l’autre malheureuse, et après quelqu’années de végétation sous cette forme assez bizarre, quoiqu’en puisse penser ton orgueuil, endors toi, dans le sein de ta mère pour te reveiller bientôt sous un autre conformation, et cela par de nouvelles loix que tu nentends pas mieux que les premières. Songe en un mot que c’est pour rendre heureux tes semblables, pour les soigner, pour les aider, pour les aimer que la