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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/25

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— XI —


de canif donnés à la Keller et les bonbons cantharidés distribués aux filles de Marseille, que d’écarter les témoignages concordants des pièces d’archives. Il y avait dans l’histoire du divin marquis une discontinuité d’égarements inadmissible !

Les documents auxquels est empruntée la matière de ce livre prouvent la constance de M. de Sade dans le vice. On y verra que ce n’est pas à cause des affaires d’Arcueil et de Marseille qu’il a été embastillé, mais pour des récidives que la famille a cachées et qui n’ont pas eu de chroniqueurs.

Cependant ce n’est pas parce qu’elle lui restitue quelques turpitudes dont il avait été frustré, que la correspondance du marquis et de ses proches est fâcheuse pour sa mémoire, c’est parce qu’elle le peint tout entier et au jour le jour. Ce portrait diffère sensiblement de celui que nous imaginons par ses livres, bien qu’ils ne soient pas plus menteurs que ceux de tout autre écrivain. Mais la conscience est déjà une page écrite où il ne reste de place que dans les marges, et ce qu’un auteur exprime de lui n’est que la part la plus exaltée ou la plus trouble de sa nature. Or il y a loin de ces effusions de pensées sans contre-poids, ou de ces débauches d’imaginations sans péril, aux réactions du caractère devant les exigences de la vie en commun ou les commandements de la morale collective. On jugera ici de ce qu’a été M. de Sade au contact de ses proches, dans l’exercice de ses droits de seigneuriage, dans ses amours, surtout les dernières ; on connaîtra l’homme par ses besoins et par ses goûts, par son appétit de l’argent, par le choix de ses meubles, de ses tableaux et de ses livres, par cent objets enfin où il lui était impossible de ne pas se trahir, même par ses mensonges. On le trouvera, sans doute, bien plus coupable qu’il n’était jusqu’ici permis de l’affirmer et cependant plus petit que sa légende.

Le fonds d’où sont tirés les documents qu’on va lire est à peu près muet sur la jeunesse du marquis et sur son extrême vieillesse. Il nous donne, par contre, l’histoire presque journalière de sa famille, depuis le début de 1774 jusqu’au milieu de l’an VIII. J’en ai publié des extraits dans leur ordre chronologique, et résumé dans des annales ce que les inédits nous apprennent sur le marquis et sur les siens. Bien que cet ouvrage n’ait d’autre objet que la publication ou l’analyse des pièces originales, il est indispensable, pour en faciliter la lecture, de faire un court tableau des événements qui ont précédé et suivi les circonstances où elles ont été écrites.