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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/255

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1783


La marquise, encore souffrante de maux de nerfs venus avec l’hiver et à la suite d’un rhume, emploie la Jeunesse, qui a de l’instruction et une belle main, à écrire aux fermiers pour avoir de l’argent. Elle n’est pas quitte de drogues et son secrétaire non plus. Les réponses sont d’ailleurs peu encourageantes : l’année s’annonce mal, la sécheresse et le froid sévissent en Provence, la navigation sur le Rhône est interrompue, la guerre sur mer a consommé beaucoup de bois, et les plus beaux arbres de Lavelan, terre roturière dépendant de la Coste, ont été marqués pour la marine ; par contre, avec la paix, qui va bientôt être signée (c’est Lions qui le dit et le Mercure le confirme), les blés tomberont en pleine mévente. Gaufridy multiplie les propositions, mais ne parvient pas à libérer le seigneur envers le bureau des pauvres dont les recteurs décident d’écarter son viguier de leurs délibérations. Les murs du château tirent chacun de son côté et les lézardes descendent jusqu’au sol ; cependant mademoiselle de Rousset envisage encore des agrandissements et de nouvelles dépenses.

La dévote maison où s’est retirée la marquise ne lui a pas porté bonheur. C’est la quatrième fois qu’elle y est malade. Ses attaques de nerfs ont repris, suite cette fois de ses chagrins. On lui donne de l’émétique ; on la saigné du pied deux fois, après douze jours de saignées blanches. Potions, tisanes, eau de Vichy. Si elle s’enrhume, on ajoute du lait coupé avec de l’eau d’orge. Telles étaient et sont encore les grandes ressources de l’art de guérir : d’un côté les remèdes de bonne femme, de l’autre le scalpel, l’inconnu entre deux. Madame de Montreuil, qui n’a point de nerfs, attribue tout à la fièvre. Mais la souffrance a sa vertu : « Avec un peu de dévotion, je serais parfaite », écrit la patiente, qui se déclare prête à payer de ce prix la grâce qu’elle supplie le ciel de lui accorder. Cependant elle engraisse et l’on se moque d’elle