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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/390

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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


commissaire de sa section et on l’a chargé, à ce titre, de la levée des scellés qui avaient été mis chez son beau-père. Il est également délégué à l’assemblée administrative des hôpitaux. Ses écrits patriotiques (et il en publie beaucoup) lui ont fait avoir dix voix « pour être officier municipal ». Il n’y a plus rien en lui qui sente l’aristocrate : treize ans de Bastille et son civisme ont rendu sa personne inviolable. Les Costains qui l’ont pillé sauront d’ailleurs ce qu’il en coûte de s’en prendre à son bien et devront rendre gorge. C’est Gaufridy qui n’est pas encore « à la hauteur de la révolution » : il emploie dans ses lettres des expressions qui suffiraient à faire pendre un homme.

La prospérité du marquis s’arrête au département des finances. La suppression des droits féodaux a diminué ses rentes de moitié, tandis que les impôts vont croissant à proportion même de ses pertes. La municipalité de Saumane a fait placer dans une chambre (Dieu sait avec quels soins !) le mobilier de son château qui risquait de subir le sort de celui de la Coste et on ose lui demander une rançon de trois mille cinq cents livres pour sauver les murs. On lui répond de montrer ses titres quand il réclame son dû, mais, s’il est question de payer, les exacteurs et les administrateurs de district ne lui font grâce ni d’une heure ni d’un patard. M. de Sade est parvenu, il est vrai, à faire rayer son nom sur la liste des émigrés des Bouches-du-Rhône, mais cette radiation n’est que provisoire et l’arrêté qui l’ordonne contient une erreur de prénom. Personne ne prête attention à ces détails dont nous verrons plus tard les conséquences.

Les deux Ripert ont disparu ; Lions aîné a démissionné après avoir reçu une lettre d’injures ; Gaufridy, toujours à Lyon, refuse de revenir malgré les raisons qu’emploie M. de Sade pour le convaincre que son exil est aussi préjudiciable à sa santé qu’à sa réputation. Le marquis, privé de ses lieutenants, est contraint de donner une procuration pour Mazan au nommé Quinquin, farouche jacobin de cette ville, qui néanmoins l’accepte, affecte un zèle mêlé de bouffe et d’insolence, met tout en branle, retient tout, trafique avec l’administration, ne donne pas un sou et finit par capter, en la détournant du marquis, la confiance de madame de Villeneuve.

M. de Sade prend alors le parti d’envoyer un sieur d’Auctoville à l’avocat, qui est rentré chez lui, mais refuse, une fois de plus, de prendre à rente sûre la ferme générale de ses biens. Gaufridy se laisse arracher l’engagement de donner au marquis une somme de onze mille livres