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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/442

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AN IV


L’année ouvre sans le fermer un long débat entre le marquis, ses régisseurs et ses fermiers pour la conversion des assignats, qui tombent à rien, en mensualités de huit cents livres (au moins) en vieux écus.

Lions est le plus maltraité dans cette bataille bien que, d’après M. de Sade lui-même, ce ne soit plus guère que d’Arles qu’on reçoive encore de l’argent avec quelque régularité. Tout lui est imputé à crime : les difficultés qu’il éprouve à faire payer en nature les arrérages du fermier Lombard, l’obligation où il est de vendre le blé au prix taxé par la municipalité d’Arles (c’est-à-dire à mille soixante-dix-sept francs huit sols huit deniers le septier, alors que le marquis prétend qu’il faut multiplier par cent vingt le prix du même septier en 1790), le soin qu’il met à observer des instructions devenues ruineuses et, quand les prévisions de la loi elle-même sont dépassées par les événements, à les exécuter trop vite en prétendant tirer sa justification des termes dans lesquelles elles ont été données ! Aussi M. de Sade lui écrit-il des lettres extravagantes et les expressions les plus douces dont il se sert pour parler de lui sont celles de Lions-Mandrin, Lions-Cartouche et Brissot-Lions. Il veut que le jeune Charles Gaufridy prenne la régie des terres d’Arles. L’avocat essaie en vain d’échapper à cette nouvelle commission dont il prévoit les conséquences, et Lions accepte un instant de continuer ses services à condition de ne correspondre qu’avec lui. Mais son temps est fini.

Roux, le nouveau régisseur de Mazan, écrit ses lettres personnelles sur le papier timbré de son administration. La vue des vignettes officielles donne mal au cœur au marquis et l’on ressent, après cent vingt années, une irritation proche de la sienne devant ce témoignage absurde, mais irréprochable, de basse mentalité jacobine et de lésinerie. C’est le signe de l’esprit nouveau, celui de l’avènement au pouvoir du petit peuple des commis, de l’orthodoxie bureaucratique et de la gratte.