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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/445

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MARQUIS DE SADE — AN IV.
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ce qu’on doit, ne sera jamais acceptée en représentation de ce qui vous est dû.

Et, puisqu’il est constant que l’on doit une rente à madame de Sade, l’avocat ne manquera pas d’en jouer, tout comme si elle était exactement payée. L’emprunt forcé, pour lequel le marquis a déjà acquitté à Paris une contribution de six cents écus, va lui en fournir l’occasion, puisque cet emprunt tient compte des charges et que celle-là résulte d’un titre contre lequel on ne peut pas s’inscrire en faux. M. de Sade espère que son régisseur est bien pénétré de la nécessité de le faire « très médiocrement imposer » car il y a des gens qui se sont trouvés ruinés « pour s’être mal conduits ». Du reste il a été pillé et, pour tout arranger, la nation n’a qu’à retenir, au titre de l’emprunt, la moitié de l’indemnité qu’elle devra lui payer, lorsque le ministre, qui a perdu les pièces, les aura retrouvées !

Mais Gaufridy joue de malheur ! Il a pris au sérieux les plaintes de Langlois, qui crève de faim à Saumane avec sa rente de trois cents livres payée en papiers, et les ordres qu’il a reçus du marquis de faire quelque chose pour cet infortuné. Il lui donne une première fois trente livres, qui font sept mille francs en assignats, et une seconde fois un louis. Mais à ce coup, M. de Sade crie qu’il a perdu la tête. Un louis ! L’avocat oublie-t-il que les soixante mille livres touchées pour la vente de la Grand’Bastide en représentent à peine vingt ? Et faut-il payer en argent, quand lui, citoyen Sade, ne parvient pas à en obtenir de ses fermiers, un « mauvais sujet » qui ne mérite pas « qu’on s’apitoie sur son sort », un homme « qui l’a assez volé » et qui « pourrirait dans les cachots de Bicêtre si la pitié de son ancien maître ne l’en avait tiré », « un teneur perpétuel de mauvais propos », « un gueux qu’il faudrait enfermer dans un hôpital », un jacobin, un terroriste ! Pour comble de disgrâce, Langlois continue à se plaindre des procédés ignobles de l’avocat et la municipalité de Mazan « indignée de l’infamie qu’on lui fait » écrit à M. de Sade pour la lui signaler.

Si le marquis a beaucoup perdu sur la vente de la Grand’Bastide, il se flatte du moins d’avoir « travaillé » cet argent d’une façon un peu périlleuse, mais fort lucrative. Trois louis suffisent, il est vrai, à rembourser les treize mille deux cent cinquante livres qui ont été si cavalièrement empruntées à Archias, mais les intérêts de cette somme, représentés par la récolte que le citoyen Sade a fâcheusement abandonnée, lui ont donné plus que le capital.

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