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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/468

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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


champ les mille écus qu’il demande », et ce procédé honnête de votre part, je me hâterai de l’apprendre à ceux qui s’avisent de penser aussi mal sur votre compte.

Non, non, non, mille fois non, quoi qu’en puissent dire les faiseurs de fausses nouvelles, non, ce n’est point pour aller en Provence, où sûrement je n’irai point cette année, que je supplie M. Gaufridy de m’envoyer le plus tôt possible mille écus ! Ces mille écus sont pour moi plus nécessaires que l’air même que je respire ; ils vont me faire sur le champ conclure un arrangement par lequel je laisse à jamais M. Gaufridy tranquille, sans cesser de lui laisser ma confiance, sans cesser d’être son ami. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Il le verra ; il suffit que je lui répète qu’après ces mille écus je ne lui demande plus rien. Ne lui ai-je pas toujours dit qu’il y aurait un développement d’énigme bien singulier au premier mai ? Eh bien ! pressez-vous de m’envoyer ces derniers mille écus, et sur le champ vous saurez le mot de cette énigme. Elle vous fera plaisir, je vous le répète encore, et elle coupe absolument court à toute espèce de chicane, d’humeurs, de tracasseries entre nous. De ce moment tout est dit : nous nous quittons et nous nous reprenons, et tout cela sans que j’aille en Provence.

Envoyez donc les mille écus sur le champ, je vous en conjure avec les plus vives instances, mais à la fois. Passé le premier mai, il ne serait plus temps, vos envois seraient inutiles ; ils seraient même compromis car je m’éloigne pour longtemps, et de vous, et de Paris, et ce serait me jouer le plus mauvais tour que de diviser votre somme et de ne pas l’envoyer en une seule lettre ; l’autre moitié serait perdue, je vous en préviens. Je ne laisse ni adresse ni domicile en ce pays ; la lettre ne me reviendrait pas et vous auriez compromis mes fonds……


M. de Sade est cité devant le tribunal correctionnel d’Avignon.

L’an cinq de la République française et le vingt messidor, nous Denis Monier, officier ministériel, exerçant dans le département de Vaucluse, de résidence à Carpentras, soussigné, au requis du citoyen Perrin, receveur de l’enregistrement et du domaine national au bureau de Carpentras, qui porte plainte contre L. Aldonce Donatien Sade, de la Coste, sur ce que ledit Sade, par sa lettre écrite de Saumane le trente prairial dernier, adressée audit Perrin, s’exprime ainsi : « Venu dans ce pays-ci, citoyen, pour y recevoir des revenus qui ne m’avaient pas été payés depuis six ans, je vous avoue que c’est avec une surprise sans égale que j’ai vu, par l’écrit ci-joint, que vous vous étiez permis de me voler une portion de ces revenus, oui, voler, citoyen, c’est le mot ! Assurément vous n’avez pas osé faire passer dans les coffres de la nation la rente d’un homme qui n’a jamais émigré de sa vie ; elle ne l’aurait pas reçue. Cette rente n’a donc été versée que dans votre poche. Je vous prie donc, citoyen, de remettre sans aucun délai la somme que vous m’avez escamotée. N’ayant pas quitté Paris, ayant envoyé tous les quinze jours des certificats de résidence, vous n’étiez pas dans le