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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/477

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MARQUIS DE SADE — AN VI.
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l’on ne justifie, par pièces signées et scellées, de l’identité des deux inscriptions. Encore la radiation déjà obtenue risque-t-elle fort de n’être considérée que comme provisoire, ce qui ne mettrait pas obstacle à l’application de la loi.

Entre temps le marquis a su que son fils aîné avait confié à l’avocat le recouvrement de sa créance sur l’émigré Sade, d’Eyguières, et qu’il veut acheter, par le même intermédiaire, un domaine national de soixante mille livres. Ceci ne lui plaît point. Les affaires de ce jeune homme prendront le temps que son régisseur lui doit, et il serait d’ailleurs peu bienséant qu’il s’en occupât, étant donnés les termes où les deux Sade sont ensemble. Il faut donc trouver une défaite et l’avocat a d’autant plus d’intérêt à le faire qu’il ne sera jamais payé. Mais Louis Marie de Sade est déjà en Provence et il y répand le bruit que son père va lui céder ses biens moyennant une pension. Cette nouvelle accable le marquis ! L’arrivée du jeune comte sur ses terres va faire penser au chevalier et, par voie de conséquence, à lui-même. Il envoie aussitôt l’ordre de démentir la cession de ses biens « par voie d’affiches », puis fait partir, à l’adresse de tous ses agents, une injonction sur timbre de ne permettre à aucun tiers, fût-il son fils ou paré de ce titre, de s’ingérer dans ses affaires. Ce garçon est fort capable d’aller signer le bail d’Arles à sa place et d’empocher l’argent pour aller retrouver Bonaparte qui le protège. C’est au demeurant un cœur froid, un égoïste sur qui on ne doit faire aucun fond. Gaufridy a gravement offensé le marquis en le recevant et plus encore en le chargeant de solliciter pour François. C’est une injure à Quesnet et c’est aussi une sottise, car s’il n’y a pour l’avocat aucun danger à s’occuper des affaires du père, qui n’est qu’un faux émigré, il s’expose beaucoup avec le fils, qu’il soit « inscrit ou non ». Ce scélérat a osé faire écrire à M. de Sade par une coquine qui le mène par le bout du nez.

« L’urgence » est devenue « irrévocable ! » Après l’octroi d’un court délai, et malgré « l’opposition plus ancienne », Resque et Paîra ont fait saisir les revenus de Beauce, puis les meubles du marquis. Celui-ci court se cacher. Il est, en outre, à la veille de perdre un œil.

Un homme nouveau et bien dévoué, le citoyen Bourges d’Avignon, a remis une pétition au département de Vaucluse, mais on lui répond que les lois postérieures à la première radiation empêchent celle-ci d’être tenue pour définitive tant qu’il n’en sera pas décidé autrement par l’administration centrale. Aussi M. de Sade veut-il obtenir de Gaufridy

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