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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/487

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MARQUIS DE SADE — AN VI.
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et faire les comptes très embrouillés de mon fermier. Il me ruine absolument et m’expose dans cette terre, la seule qui me reste pour vivre, aux plus affreux inconvénients. Un honnête homme d’ailleurs peut-il manquer à sa parole ? Et le premier des devoirs du christianisme n’est-il pas l’humanité, la probité ? Or, est-ce être probe que de manquer à une parole d’honneur signée ? Est-ce être humain que d’exposer un malheureux ami à mourir de faim ? Comment se peut-il donc que M. Gaufridy, dont les vertus sévères me plurent et m’édifièrent toujours, se permette envers moi aujourd’hui un procédé aussi illégal… j’ose dire même aussi indécent ?……

Je supplie donc par votre organe, mademoiselle, le citoyen Gaufridy de vouloir bien aller à Arles, y faire le nouveau bail, les comptes avec le fermier et la recette ainsi qu’il s’y est engagé par écrit avec moi. Je vous demande avec la plus vive instance de l’y déterminer. Vous ferez par là, mademoiselle, un acte de justice et d’humanité que le ciel équitable joindra à vos autres vertus et dont il vous récompensera, dans un monde meilleur, par toutes les grâces qu’il doit à des âmes comme la vôtre, et, dans celui-ci, par l’estime et la considération qui vous accompagnent partout et que vous méritez aussi bien. Je suis avec respect votre obéissant serviteur. Sade……

Madame Quesnet vous présente son respect et se fait, dans ce malheureux cas, une consolation du plaisir d’avoir l’honneur de vous revoir ainsi que toute votre aimable famille……


Le marquis veut faire un « bail de moine » au preneur de sa terre d’Arles. (14 messidor).

……Comprenez donc une bonne fois qu’après les procédés de mes enfants envers moi je ne dois nullement les ménager. Ils m’ont perdu, ils me perdent encore ; décidément je ne veux pas les ménager. Faites donc un bail le plus avantageux possible pour le fermier dans douze ou quinze ans d’ici. Qu’il ait pleine et entière permission de faire tout ce qu’il voudra, qu’il ait même un quartier de terre (rien n’est plus aisé que de la détacher sans que personne s’en doute, la terre n’ayant jamais été arpentée) et que, pour cette multitude d’avantages, cet homme paie tout ce qui est dû sur cette terre, me donne deux mille francs de pot de vin et me fasse six mille francs de rentes, franches et quittes de toutes réparations et impositions. Voilà tout ce que je demande ; il n’y a pas de fermier qui ne fasse cela dans ce pays-ci ; c’est ce qu’on appelle des baux de moines……