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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/80

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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

M. le procureur du roi est un homme plein d’esprit, mais qui vous saute de branche et est rempli de sophismes ; cela est insupportable quand on veut suivre un raisonnement et il n’y a d’autre moyen avec lui, à ce que je crois, pour en tirer parti, que d’être ferme et de le laisser dire. M. de Sartine[1] a plus de liant et de suite, il m’a promis d’empêcher que l’on ne me trompe, et, quoique cela ne le regarde plus, je le vois souvent pour cela……


La marquise demande à l’avocat de faire « un petit mensonge à la jésuite ». (Écrite de Lyon, sans date).

Vous allez recevoir une lettre par laquelle on vous demandera si M. le comte de Mazan, présentement à Lyon, est le même que le marquis de S. au procès d’Aix. Vous voudrez bien, je vous prie, répondre à cela par un petit mensonge à la jésuite, qui, sans vous compromettre, confirme cependant que ce n’est pas le même, comme par exemple de dire qu’il y a plusieurs familles de Sade, les Sade d’Aiguières, et ceux de Mazan, de Saumane, de Tarascon, mais que certainement, le Sade à l’histoire, devant être par son jugement en pays étranger, ne peut assurément être celui qui se trouve à présent à Lyon. Votre lettre ne doit tomber qu’entre des mains subalternes ; il n’est question que de quelque information au sujet d’un jeune homme que M. de Sade veut prendre avec lui. Nous verrons votre lettre ; elle doit nous être montrée ; ainsi j’espère que vous voudrez bien la construire dans le goût que je vous la demande ; vous m’obligerez infiniment……


Le marquis, rentré à la Coste, dépeint la vie qu’on mène au château (Sans date).

Nous vous attendrons donc mardi, mon cher avocat…… Je vous prie de vouloir bien venir de bonne heure, au moins pour dîner, c’est-à-dire à trois heures ; vous m’obligerez d’observer cette même coutume toutes les fois que vous viendrez nous voir cet hiver. En voici la raison : nous sommes décidés, par mille raisons, à voir très peu de monde cet hiver. Il en résulte que je passe la soirée dans mon cabinet et que madame avec ses femmes s’occupent dans une chambre voisine jusqu’à l’heure du coucher, moyen en quoi, à l’entrée de la nuit, le château se trouve irrémissiblement fermé, feux éteints, plus de cuisine et souvent plus de provisions. Conséquemment c’est vraiment nous déranger que de ne pas arriver pour l’heure du dîner et nous déranger de toute manière. Nous vous connaissons trop honnête pour ne pas vous soumettre à cette petite gêne, que nous chercherons d’autant moins à réformer en votre faveur qu’elle nous fait gagner deux ou trois heures de plus du plaisir d’être avec vous……

  1. Lieutenant-général de police ; il devient ministre d’État en 1775 et est remplacé par M. Le Noir dont il sera souvent question ci-après.