des Cent vingt jours de Sodome, mais le canevas établi par le marquis
passe de loin ces froides amplifications. C’est un sabbat mené à bave-bouche
avec le concours de l’office. Gothon y a probablement chevauché
le balai sans entrer dans la danse, mais Nanon y a pris une part dont
elle va rester tout alourdie ; les petites ravaudeuses de la marquise y ont
livré leur peau au jeu des boutonnières et le jeune secrétaire a dû y
faire la partie de flûte. On verra par la suite avec quel soin madame de
Montreuil s’est préoccupée de faire disparaître les traces de ces orgies
qui se sont renouvelées en 1776. Les recherches qu’elle fait entreprendre
dans le cabinet du marquis et parmi de vieux meubles relégués au grenier,
la découverte des « petites feuilles » dont l’une au moins est tombée
en mains tierces et que la présidente regrette d’avoir laissé détruire, le
secret qu’elle s’efforce d’obtenir de Nanon avant sa mise en liberté, les
questions dont elle presse Justine Treillet, les propos tenus par Marais
sur le sanglant mystère de la chambre noire lorsqu’il vient arrêter le
marquis en août 1778, l’insistance avec laquelle la marquise recommande
à mademoiselle de Rousset de céler les papiers de son mari, l’inquiétude
que celui-ci montre encore, dix-neuf ans plus tard, touchant le contenu
d’une cassette qu’il ne veut faire voyager qu’après avoir eu l’assurance
qu’elle ne sera pas ouverte et qui malgré cela arrive vide à Paris, ne
laissent guère qu’un point à éclaircir : c’est le rôle que madame de Sade
a joué derrière la porte.
Mais on ne pense pour l’instant qu’à sortir de « l’embarras des petites filles ». L’important est de ne les rendre qu’après avoir tout arrangé. Une femme, qui paraît être la Desgranges, vient (vraisemblablement pour réclamer la sienne) au château de la Coste ; Gaufridy l’emmène chez lui ; on fait agir auprès d’elle ; on l’amadoue avec des cajoleries et des nippes. La procédure semble enfin étouffée grâce à l’intervention toute puissante de madame de Montreuil, fort effrayée de la façon dont sa fille s’est compromise et de la complaisante captivité où elle est.
La marquise est aveugle et sourde. Elle continue à donner ses soins aux petits détails de la vie domestique, aux travaux des bâtiments, du parc et des champs, aux provisions de bouche, à la vêture des valets. Elle envoie une petite somme d’argent à une fille de service qui se trouve à Lyon et quarante-huit livres à Langlois, toujours détenu à la salle de force de Bicêtre. Elle poursuit surtout « la grande affaire » et, sur ce point, travaille d’accord avec sa mère pour laver son mari aux