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Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 1, 1795.djvu/57

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Adélaïde par le repentir et le désespoir.

Elle m’écrivit un jour, qu’elle me demandait pour unique faveur de lui assurer une place aux carmélites ; de lui mander aussi-tôt que j’aurais réussi ; qu’elle s’échapperait de la maison de son père, et viendrait s’ensevelir toute vivante dans ce cercueil qu’elle me priait de lui préparer.

Parfaitement calme alors, j’osai répondre quelques plaisanteries à cet affreux projet de la douleur, et rompant enfin toutes mesures, j’exhortai Adélaïde à oublier dans le sein de l’hymen les délires de l’amour.

Adélaïde ne m’écrivit plus. Mais j’appris trois mois après qu’elle était mariée ; et dégagé par-là de tous mes liens, je ne songeai plus qu’à l’imiter.

Un événement terrible pour moi vint déranger tous mes projets ; il sembloit que le ciel voulût déjà venger Adélaïde des malheurs où je l’avais plongée. Mon père mourut, ma mère le suivit de près, et je me vis à vingt-cinq ans seul abandonné dans le monde à tous les malheurs, à tous les accidens qui suivent ordinairement un jeune homme de mon caractère ;