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Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/294

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de goûts une si forte habitude, qu’il ne peut plus y renoncer sans douleur. Usons de tout et ne nous attachons à rien, jamais les pertes ne nous affecteront ; un nouvel ami en remplacera un ancien, une nouvelle maîtresse celle que l’on vient de perdre, et le tourbillon des plaisirs nous entraînant sans nous donner le temps de penser, nous n’aurons jamais la douleur de plaindre ce que nous aurons appris à remplacer aussi promptement. — Ce vuide est épouvantable, la seule idée en glace d’effroi, c’est abrutir notre ame, c’est étouffer en elle la plus douce de ses facultés. Oh monsieur ! quelque plaisir que vous puissiez m’offrir à présent en serait-il un seul qui valut pour moi la sensation que j’éprouve à pleurer l’amie que je viens de perdre. — Mais si vous chérissez votre douleur, elle devient une volupté ; et dans ce cas vous m’avouerez que la volupté qui console, vaut beaucoup mieux que celle qui afflige. — L’une est celle d’une ame de fer, l’autre celle d’un cœur délicat et sensible. — Et d’où tenez-vous, monsieur,