Aller au contenu

Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


former une corde de quarante pieds. Dès que cette corde sera finie, elle se partagera en deux et servira à vous pendre. L’une et l’autre, à cette voûte élevée. Vous ne serez expédiées, l’une et l’autre, que quand la corde sera finie. Faites-en durer le travail autant qu’il vous plaira ; mais nous aurons, au moins, pour apaiser notre vengeance, la consolation de savoir que chacun des instants de votre vie n’est employé par vous que pour vous conduire à la mort. La lenteur ou la promptitude de cette méthode sera la juste mesure de votre courage ; mais vous aurez beau désirer la fin de vos maux, elle ne sera que celle de votre travail. Cependant, comme il faut un peu de distraction à une aussi fastidieuse manière d’employer son temps, venez voir celle qui vous est accordée…

Et Schinders conduisit, en disant cela, ses prisonnières dans un petit jardin de plain-pied avec la grande salle ; et là, montrant à chacune d’elles une bêche auprès d’un vieux cyprès :

— Vous creuserez ici votre tombe, leur dit-il et vous tâcherez de compasser l’un sur l’autre les deux ouvrages qu’on vous laisse, afin qu’ils se finissent ensemble. Allons, travaillez, mesdames ; tous les mois vous recevrez ma visite, et ce sera moi-même qui viendrai, quand il en sera temps,