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Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/253

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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


sévères de la chevalerie. Pitreman, prenez ces deux jeunes gens en croupe et conduisez-les vers le premier cabaret où vous croirez pouvoir les déposer en sûreté ; vous reviendrez nous joindre au Florin d’or à Trèves. Si vous êtes interrogé sur nous, soyez aussi discret que vous nous voyez l’être nous-mêmes avec eux : le plus profond mystère est une des lois les plus sacrées du noble métier que nous exerçons.

L’écuyer part, et nos deux chevaliers poursuivent leur route.

Que l’on ne s’étonne pas, nous le répétons, si le service dont il vient d’être question avait été rendu sans se reconnaître réciproquement. D’abord les femmes n’ayant pas dit un mot et se trouvant déguisées, ne purent pas être reconnues ; et, comment, de leur côté, auraient-elles pu reconnaître des hommes qu’elles n’avaient jamais vus sous cet accoutrement chevaleresque ? au surplus, la visière baissée déguisait absolument les traits. À la vérité, le prince avait prononcé quelques paroles ; mais la coiffure qui enveloppe la tête d’un chevalier change son organe, et les mots qu’il avait proférés, presque tous dits en colère ou à basse voix, n’avaient pu le faire reconnaître d’Adélaïde, bien éloignée d’ailleurs de le supposer si près d’elle.