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Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/331

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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

— Soit, reprit Adélaïde, mais cela ne m’empêchera pas de vous répéter que ce n’est point à nous de prononcer sur le meilleur ou le plus mauvais des gouvernements ; nous ne devons que suivre avec docilité celui sous lequel le ciel nous a fait naître, et respecter les mains qui en tiennent les rênes ; dès que vous ne le faites pas, vous avez tort et je ne partagerai jamais ces torts-là. Antoine, je vous ai promis d’être votre amie, je le serai ; j’ai promis de respecter votre secret, il ne sera point trahi ; mais n’exigez rien au-delà ; je vous tromperais en vous le promettant.

En ce moment, plusieurs des conjurés parurent.

— Séparons-nous, dit Antoine, souvenez-vous de vos serments, et soyez ici demain avant le jour.

Adélaïde sortit sans répondre et fut se livrer aux plus sérieuses réflexions avec quelqu’un pour qui elle ne pouvait avoir de secrets. Le projet de sortir à l’instant de Venise s’offrit tout à coup à son imagination ; mais Bathilde lui représenta que, dans un moment tel que celui où cette ville allait se trouver, il serait plus dangereux de fuir que de rester.

— Si les choses réussissent, dit cette sage amie avec beaucoup de sagacité, ceux qui vous comptent au rang de leurs amis, craignant que vous ne