Aller au contenu

Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
334
ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

— Alors, madame, dit Bathilde, laissons-lui prendre quelques jours d’avance, mais quittons Venise, et que le temps de ce délai s’écoule dans la première ville agréable que nous trouverons sur notre route.

On partit…

Nos voyageuses entraient à peine en Bavière qu’elles eurent des chemins impraticables. Après avoir traversé péniblement des torrents débordants qui, à chaque instant, entravaient ou retardaient leur marche, elles se trouvent engagées dans une route étroite, resserrée d’un côté par des monts dont le sommet touchait aux nues et bordée de l’autre par un précipice épouvantable.

Enfin la terreur d’Adélaïde est à son comble… Une voiture qui se présente dispute le pas à la sienne ; ses chevaux puissamment excités se lancent avec une impétueuse vitesse ; le conducteur renversé ne peut plus les retenir, et le frein que ces fougueux coursiers blanchissent de leur écume ne peut plus servir à les arrêter… Le précipice est là ; l’œil le plus perçant n’y voit que la mort armée de sa faux cruelle… Les cris que jettent les voyageuses n’effraient que davantage les animaux furieux qui les emportent ; le moindre caillou, sous la roue qui fend l’air, suffit pour les précipiter ; elles vont périr ; toutes les chances de