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Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/393

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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

— Le comte me paraît avoir plus d’espoir que vous.

— Vous a-t-il dit quelque chose qui puisse faire naître cette opinion en vous ?

— Pas encore, mais je le vois profondément occupé de ce qui nous intéresse.

— Ô mon tendre ami, ne pensons à rien qui puisse nous donner des remords ; les sentiments que nous nous permettons ne sont déjà que trop criminels.

— Je n’y vois rien de coupable : ne m’aimâtes-vous pas, Adélaïde, avant de connaître celui qui trouble aujourd’hui toute votre félicité ?

— Je n’ai que cette idée pour calmer ma conscience ; je l’appelle souvent à mon secours ; bien plus souvent je la rejette, puis, en vous voyant, j’oublie tout…

— Chère et délicate amie, pourquoi donc le ciel ne nous a-t-il pas créés l’un pour l’autre ?… Qui sait ce qu’il nous réserve !

— Fatale destinée sans doute que celle qui ne place pour nous le bonheur qu’à côté du crime.

— Je n’en vois qu’à se désunir, Adélaïde ; ne commets celui-là de ta vie.

— Voilà, dit la princesse en posant sa main sur le cœur du marquis, voilà l’autel où je fais le serment de te chérir toute ma vie.