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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/134

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ſage que tu feras de cette faveur… Puis il m’ordonne de me relever, de reprendre mes vêtemens & de quitter au plutôt cet endroit. Comme le ſang coule de par-tout, afin que mes habits, les ſeuls qui me reſtent, n’en ſoient point tachés, je ramaſſe de l’herbe pour me rafraichir, pour m’eſſuyer, & Bressac ſe promene en long & en large, bien plus occupé de ſes idées que de moi.

Le gonflement de mes chairs, le ſang qui ruiſſelle encore, les douleurs affreuſes que j’endure, tout me rend preſqu’impoſſible l’opération de me r’habiller, ſans que jamais le malhonnête homme qui vient de me mettre dans ce cruel état… lui, pour qui j’aurais autrefois ſacrifié ma vie, daignât me donner le moindre ſigne de commiſération. Dès que je fus prête, allez où vous voudrez, me dit-il, il doit vous reſter de l’argent, je ne vous l’ôte point, mais gardez-vous de reparaître à aucune de mes maiſons de ville ou de campagne ; deux raiſons puiſſantes s’y oppoſent ; il eſt bon que vous ſachiez d’abord que l’affaire que vous avez cru terminée ne l’eſt point. On vous a dit qu’elle n’exiſtait plus, on vous a induite en erreur ; le décret n’a point été purgé ; on vous laiſſait dans cette ſituation pour voir comment vous vous conduiriez ; en ſecond lieu vous allez publiquement paſſer pour la meurtriere de la Marquiſe ; ſi elle reſpire encore je vais lui faire emporter cette idée au tombeau, toute la maiſon