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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/175

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quand elle devient néceſſaire à un art auſſi utile aux hommes… Quand elle peut fournir d’auſſi grandes lumieres, dès-lors ce n’eſt plus un mal, mon ami, ce n’eſt plus un forfait, c’eſt la meilleure, la plus ſage, la plus utile de toutes les actions, & ce ne ſerait qu’à ſe la refuſer qu’il pourrait exiſter du crime.

Ah ! dit Rombeau, plein d’enthouſiaſme pour d’auſſi effrayantes maximes, je t’approuve, mon cher, ta ſageſſe m’enchante, mais ton indifférence m’étonne, je te croyais amoureux. — Moi ! épris d’une fille ?… Ah ! Rombeau, je me ſuppoſais mieux connu de toi ; je me ſers de ces créatures-là quand je n’ai rien de mieux : l’extrême penchant que j’ai pour les plaiſirs du genre dont tu me les vois goûter, me rend précieux tous les temples où cette eſpèce d’encens peut s’offrir, & pour les multiplier, j’aſſimile quelques fois une jeune fille à un beau garçon ; mais pour peu qu’un de ces individus femelles ait malheureuſement nourri trop longtemps mon illuſion, le dégoût s’annonce avec énergie, & je n’ai jamais connu qu’un moyen d’y ſatisfaire délicieuſement… Tu m’entends, Rombeau ; Chilpéric le plus voluptueux des Rois de France penſait de même. Il diſait hautement qu’on pouvait à la rigueur ſe ſervir d’une femme, mais à la clauſe expreſſe de l’exterminer auſſitôt qu’on en avait joui[1]. Il y a cinq ans que cette petite

  1. Voy. un petit ouvrage intitulé : les Jéſuites en belle humeur.