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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/204

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perfection de ſon délire ; il y touche, mais ma conſtante horreur pour toutes ces infamies, m’empêche de le partager… Il y arrive ſeul, ſes élans, ſes cris, tout l’annonce, & je ſuis inondée, malgré moi, des preuves d’une flamme que je n’allume qu’en ſixième ; je retombe enfin ſur le trône où je viens d’être immolée, n’éprouvant plus mon exiſtence que par ma douleur & mes larmes… mon déſeſpoir de mes remords.

Cependant Dom Sévérino ordonne aux femmes de me faire manger, mais bien éloignée de me prêter à ces attentions, un accès de chagrin furieux vient aſſaillir mon ame. Moi qui mettais toute ma gloire, toute ma félicité dans ma vertu, moi, qui me conſolais de tous les maux de la fortune, pourvu que je fuſſe toujours ſage, je ne puis tenir à l’horrible idée de me voir auſſi cruellement flétrie par ceux de qui je devais attendre le plus de ſecours & de conſolation : mes larmes coulent en abondance, mes cris font retentir la voûte ; je me roule à terre, je meurtris mon ſein, je m’arrache les cheveux, j’invoque mes bourreaux, & les ſupplie de me donner la mort… Le croirez-vous, Madame, ce ſpectacle affreux les irrite encore plus. — Ah ! dit Sévérino, je ne jouîs jamais d’une plus belle ſcène : voyez, mes amis, l’état où elle me met ; il eſt inoui ce qu’obtiennent de moi les douleurs féminines. — Reprenons-la, dit Clément, & pour lui apprendre à hurler de la ſorte, que la