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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/229

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& de confiance, uniquement chargées du ſoin, de leur amener un ſujet chaque mois, entre l’age de douze ans & celui de trente, ni au-deſſous, ni au-deſſus. Le ſujet doit être exempt de tout défaut & doué du plus de qualités poſſibles, mais principalement d’une naiſſance diſtinguée. Ces enlévemens bien payés, & toujours faits très-loin d’ici, n’entraînent aucun inconvénient ; je n’en ai jamais vu réſulter de plaintes. Leurs extrêmes ſoins les mettent à couvert de tout ; ils ne tiennent pas abſolument aux prémices ; une fille déjà ſéduite, ou une femme mariée leur plaît également ; mais il faut que le rapt ait lieu, il faut qu’il ſoit conſtaté ; cette circonſtance les irrite ; ils veulent être certains que leurs crimes coûtent des pleurs ; ils renverraient une fille qui ſe rendrait à eux volontairement ; ſi tu ne t’étais prodigieuſement défendue, s’ils n’euſſent pas reconnu un fond réel de vertu dans toi, & par conſéquent la certitude d’un crime, ils ne t’euſſent pas gardée vingt-quatre heures : tout ce qui eſt ici, Théreſe, eſt donc de la meilleure naiſſance ; telle que tu me vois, chere amie, je ſuis la file unique du Comte de ***, enlevée à Paris à l’âge de douze ans, & deſtinée à avoir cent mille écus de dot un jour ; je fus ravie dans les bras de ma gouvernante qui me ramenait ſeule dans une voiture, d’une campagne de mon père, à l’Abbaye de Panthemont où j’étais élevée ; ma

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