Aller au contenu

Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
( 228 )


neuf heures ſonnerent ; la Doyenne nous appella bien vîte, le régent de jour parut en effet. C’était Antonin, nous nous rangeâmes en haie ſuivant l’uſage. Il jetta un léger coup-d’œil ſur l’enſemble, nous compta, puis s’aſſit ; alors nous allames l’une après l’autre relever nos jupes devant lui, d’un côté juſqu’au deſſus du nombril ; de l’autre juſqu’au milieu des reins. Antonin reçut cet hommage avec l’indifférence de la ſatiété, il ne s’en émut pas ; puis en me regardant, il me demanda comment je me trouvais de l’aventure ? Ne me voyant répondre que par des larmes… — Elle s’y fera, dit-il en riant ; il n’y a pas de maiſon en France où l’on forme mieux les filles que dans celle-ci. Il prit la liſte des coupables, des mains de la Doyenne, puis s’adreſſant encore à moi, il me fit frémir ; chaque geſte, chaque mouvement qui paraiſſait devoir me ſoumettre à ces libertins, était pour moi comme l’arrêt de la mort. Antonin m’ordonne de m’aſſeoir ſur le bord d’un lit, & dans cette attitude, il dit à la Doyenne de venir découvrir ma gorge, & relever mes jupes juſqu’au bas de mon ſein ; lui-même place mes jambes dans le plus grand écartement poſſible, il s’aſſeoit en face de cette perſpective, une de mes compagnes vient ſe poſer ſur moi dans la même attitude, en ſorte que c’eſt l’autel de la génération qui s’offre à Antonin au lieu de mon viſage, & que s’il jouit il aura ces attraits à hau-