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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/299

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me débarraſſer du voile qui gène ma tête ; il y conſent, je respire & j’apperçois enfin que nous ſommes au milieu d’une forêt dont nous ſuivons une route aſſez large, quoique peu fréquentée. Mille funeſtes idées se présentent alors à mon eſprit, je crains d’être repriſe par les agens de ces indignes Moines… je crains d’être ramenée à leur odieux couvent. Ah ! dis-je à l’un de mes guides : Monſieur, ne puis-je vous ſupplier de me dire où je ſuis conduite ? Ne puis-je vous demander ce qu’on prétend faire de moi ? — Tranquilliſez-vous, mon enfant, me dit cet homme, & que les précautions que nous ſommes obligés de prendre, ne vous cauſent aucune frayeur, nous vous menons chez un bon maître ; de fortes conſidérations l’engagent à ne prendre de femme-de-chambre pour son épouse, qu’avec cet appareil de myſtere, mais vous y serez bien. — Hélas ! Messieurs, répondis-je, ſi c’eſt mon bonheur que vous faites, il eſt inutile de me contraindre : je ſuis une pauvre orpheline, bien à plaindre ſans doute ; je ne demande qu’une place, ſitôt que vous me la donnez, pourquoi craignez-vous que je vous échappe ? — Elle a raison, dit l’un des guides, mettons-la plus à l’aise, ne contenons simplement que ses mains. Ils le font, & notre marche ſe continue. Me voyant tranquille, ils répondent même à mes demandes, & j’apprends enfin d’eux, que le maître auquel on me destine, ſe nomme le Comte de Gernande,

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