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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/301

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paraiſſait fait pour l’être. Je ne vis un peu de train, un peu d’affluence que vers les cuiſines ſituées dans des voûtes ſous le milieu du corps-de-logis. Tout le reſte était auſſi ſolitaire que la poſition du château : perſonne ne prit garde à nous quand nous entrames, un de mes guides alla dans les cuiſines, l’autre me présenta au Comte. Il était au fond d’un vaſte & ſuperbe appartement, enveloppé dans une robe-de-chambre de ſatin des Indes, couché ſur une ottomane, & ayant près de lui deux jeunes gens ſi indécemment, ou plutôt ſi ridiculement vêtus, coëffés avec tant d’élégance & tant d’art, que je les pris d’abord pour des filles un peu plus d’examen me les fit enfin reconnaître pour deux garçons, dont l’un pouvait avoir quinze ans, & l’autre ſeize. Ils me parurent d’une figure charmante, mais dans un tel état de molleſſe & d’abattement, que je crus d’abord qu’ils étaient malades.

Voilà une fille, Monſeigneur, dit mon guide, elle nous paraît être ce qui vous convient : elle eſt douce, elle eſt honnête, & ne demande qu’à ſe placer ; nous eſpérons que vous en ſerez content. — C’eſt bon, dit le Comte, en me regardant à peine : vous fermerez les portes en vous retirant, Saint-Louis, & vous direz que perſonne n’entre que je ne ſonne ; enſuite le Comte ſe leva, & vint m’examiner. Pendant qu’il me détaille, je puis vous le peindre : la ſingularité du portrait

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