Aller au contenu

Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
( 13 )


lever, & de venir lui parler dans le même ſallon où il m’avait reçue en arrivant. On m’y conduiſit : j’étais un peu faible encore, mais d’ailleurs aſſez bien portante ; j’arrivai.

Thérèſe me dit le Comte, en me faiſant aſſeoir, je renouvellerai peu ſouvent avec vous de ſemblables épreuves, votre perſonne m’eſt utile pour d’autres objets ; mais il était eſſentiel que je vous fiſſe connaître mes goûts, & la manière dont vous finirez un jour dans cette maiſon, ſi vous me trahiſſez, ſi malheureuſement vous vous laiſſez ſuborner par la femme auprès de laquelle vous allez être miſe.

Cette femme eſt la mienne, Thérèſe, & ce titre eſt ſans doute le plus funeſte qu’elle puiſſe avoir, puiſqu’il l’oblige à ſe prêter à la paſſion bizarre dont vous venez d’être la victime ; n’imaginez pas que je la traite ainſi par vengeance, par mépris, par aucun ſentiment de haine ; c’eſt la ſeule hiſtoire des paſſions. Rien n’égale le plaiſir que j’éprouve à répandre ſon ſang… je ſuis dans l’ivreſſe quand il coule ; je n’ai jamais joui de cette femme d’une autre maniere. Il y a trois ans que je l’ai épouſée, & qu’elle ſubit exactement tous les quatre jours le traitement que vous avez éprouvé. Sa grande jeuneſſe, (elle n’a pas vingt ans) les ſoins particuliers qu’on en a, tout cela la ſoutient ; & comme on répare en elle en raiſon de ce qu’on la contraint à perdre, elle s’eſt aſſez bien