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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/329

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privé d’aucune relation avec moi, ne put jamais m’inſpirer aucun ſentiment ; or, les rapports de l’épouſe avec le mari ne ſont pas d’une conſéquence différente que celle du poulet avec moi ; l’un & l’autre ſont des bêtes de ménage dont il faut ſe ſervir, qu’il faut employer à l’uſage indiqué par la Nature, ſans les différencier en quoi que ce puiſſe être. Mais, je le demande, ſi l’intention de la Nature était que votre ſexe fût créé pour le bonheur du nôtre, & vice verſâ, aurait-elle fait, cette Nature aveugle, tant d’inepties dans la conſtruction de l’un & de l’autre de ces ſexes ? Leur eût-elle mutuellement prêté des torts ſi graves, que l’éloignement & l’antipathie mutuelle en duſſent infailliblement réſulter ? Sans aller chercher plus loin des exemples, avec l’organiſation que tu me connais, dis-moi, je te prie, Théreſe, quelle eſt la femme que je pourrais rendre heureuſe, & réverſiblement quel homme pourra trouver douce la jouiſſance d’une femme, quand il ne ſera pas pourvu des giganteſques proportions néceſſaires à la contenter ? Seront-ce, à ton avis, les qualités morales qui le dédommageront des défauts phyſiques ? Et quel être raiſonnable, en connaiſſant une femme à fond, ne s’écriera pas avec Euripide : Celui des Dieux qui a mis la femme au monde, peut ſe vanter d’avoir produit la plus mauvaiſe de toutes les créatures, & la plus fâcheuſe pour l’homme. S’il

  Tome II.
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