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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/331

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que l’un de ces ſexes tyranniſât l’autre, ne les aurait-elle pas créés de force égale ? En rendant l’un inférieur à l’autre en tout point, n’a-t-elle pas ſuffiſamment indiqué que ſa volonté était que le plus fort uſât des droits qu’elle lui donnait : plus celui-ci étend ſon autorité, plus il rend malheureuſe, au moyen de cela, la femme liée à ſon ſort, & mieux il remplit les vues de la Nature ; ce n’eſt pas ſur les plaintes de l’être faible qu’il faut juger le procédé ; les jugemens ainſi ne pourraient être que vicieux, puiſque vous n’emprunteriez, en le faiſant, que les idées du faible : il faut juger l’action ſur la puiſſance du fort, ſur l’étendue qu’il a donnée à ſa puiſſance, & quand les effets de cette force ſe ſont répandus ſur une femme, examiner alors ce qu’eſt une femme, la maniere dont ce ſexe mépriſable a été vu, ſoit dans l’antiquité, ſoit de nos jours, par les trois quarts des Peuples de la Terre.

Or, que vois-je en procédant de ſang-froid à cet examen ? Une créature chétive, toujours inférieure à l’homme, infiniment moins belle que lui, moins ingénieuſe, moins ſage, conſtituée d’une maniere dégoûtante, entiérement oppoſée à ce qui peut plaire à l’homme, à ce qui doit le délecter… un être mal-ſain les trois quarts de ſa vie, hors d’état de ſatisfaire ſon époux tout le temps où la Nature le contraint à l’enfantement, d’une humeur aigre, acariâtre, impérieuſe ; tyran, ſi on

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