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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/356

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doux, & les autres des plaiſirs fort-vifs : les uns ſeront les plus ſûrs, les plus vrais ſans doute, puiſqu’ils caractériſent les penchans de tous les hommes encore au berceau de la Nature, & des enfans mêmes, avant qu’ils n’aient connu l’empire de la civiliſation ; les autres ne ſeront que l’effet de cette civiliſation, & par conſéquent des voluptés trompeuſes & ſans aucun ſel. Au reſte, mon enfant, comme nous ſommes moins ici pour philoſopher que pour conſolider une détermination, ayez pour agréable de me donner votre dernier mot… Acceptez-vous, ou non, le parti que je vous propoſe ? — Aſſurément je le refuſe, Monſieur, répondis-je en me levant… je ſuis bien pauvre… oh ! oui, bien pauvre, Monſieur ; mais plus riche des ſentimens de mon cœur que de tous les dons de la fortune, jamais je ne ſacrifierai les uns pour poſſéder les autres : je ſaurai mourir dans l’indigence, mais je ne trahirai pas la vertu. — Sortez, me dit froidement cet homme déteſtable, & que je n’aye pas ſur-tout à craindre de vous des indiſcrétions, vous ſeriez bientôt miſe en un lieu d’où je n’aurais plus à les redouter. Rien n’encourage la vertu comme les craintes du vice ; bien moins timide que je ne l’aurais cru, j’oſai, en lui promettant qu’il n’aurait rien à redouter de moi, lui rappeller le vol qu’il m’avait fait dans la forêt de Bondy, & lui faire ſentir que dans la circonſtance où j’étais,