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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/373

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un petit chemin taillé dans le roc ; rempli de ſinuoſités, & dont la pente était extrêmement roide ; Roland ne diſait mot ; ce ſilence m’effrayait encore plus, il nous éclairait de ſa lanterne ; nous voyageames ainſi près d’un quart d’heure : l’état dans lequel j’étais me faiſait reſſentir encore plus vivement l’horrible humidité de ces ſouterrains ; nous étions enfin ſi fort deſcendus, que je ne crains pas d’exagérer en aſſurant que l’endroit où nous arrivâmes devait être à plus de huit cens pieds dans les entrailles de la terre ; de droite & de gauche du ſentier que nous parcourions, étaient pluſieurs niches où je vis des coffres qui renfermaient les richeſſes de ces malfaiteurs : une derniere porte de bronze ſe préſente enfin, Roland l’ouvre, & je penſai tomber à la renverſe, en apercevant l’affreux local où me conduiſait ce mal-honnête homme ; me voyant fléchir, il me pouſſe rudement, & je me trouve ainſi, ſans le vouloir, au milieu de cet affreux ſépulcre, Repréſentez-vous, Madame, un caveau rond, de vingt-cinq pieds de diametre, dont les murs tapiſſés de noir n’étaient décorés que des plus lugubres objets, des ſquélettes de toute ſorte de tailles, des oſſemens en ſautoir, des têtes de morts, des faiſceaux de verges & de fouets, des ſabres, des poignards, des piſtolets : telles étaient les horreurs qu’on voyait ſur les murs qu’éclairait une lampe à trois méches, ſuſpendue à l’un