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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/40

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le mérites, de ton exécrable endurciſſement. Tu n’es digne ni de ces richeſſes dont tu fais un auſſi vil uſage, ni de l’air même que tu reſpires dans un monde ſouillé par tes barbaries.

Je me preſſai de raconter à mon hôteſſe la réception de la perſonne chez laquelle elle m’avait envoyée ; mais quelle fut ma ſurpriſe de voir cette miſérable, m’accabler de reproches au lieu de partager ma douleur. — Chétive créature, me dit-elle en colere, t’imagines-tu que les hommes ſont aſſez dupes pour faire l’aumône à de petites filles comme toi, ſans exiger l’intérêt de leur argent ? M. Dubourg eſt trop bon d’avoir agi comme il l’a fait ; à ſa place je ne t’aurais pas laiſſé ſortir de chez moi ſans m’avoir contenté. Mais puiſque tu ne veux pas profiter des ſecours que je t’offre, arrange-toi comme il te plaira ; tu me dois, demain de l’argent, ou la priſon. — Madame ayez pitié… — Oui, oui, pitié ; on meurt de faim avec la pitié. — Mais comment voulez-vous que je fasse ? — Il faut retourner chez Dubourg ; il faut le ſatisfaire, il faut me rapporter de l’argent ; je le verrai, je le préviendrai ; je racommoderai ſi je puis vos ſottiſes ; je lui ferai vos excuſes, mais ſongez à vous mieux comporter.

Honteuſe, au déſeſpoir, ne ſachant quel parti prendre, me voyant durement repouſſée de tout le monde, preſque ſans reſſource, je dis à Madame