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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/416

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les empêcher, de ce moment, voilà un Dieu faible, & dans tous les cas, un être abominable, un être dont je dois braver la foudre & mépriſer les loix. Ah ! Théreſe, l’athéiſme ne vaut-il pas mieux que l’une ou l’autre de ces extrémités ; voilà mon ſyſtême, chere fille, il eſt en moi depuis l’enfance, & je n’y renoncerai ſurement de la vie. — Vous me faites frémir, Madame, dis-je en me levant, pardonnez-moi de ne pouvoir écouter davantage & vos ſophiſmes & vos blaſphêmes. — Un moment, Théreſe, dit la Dubois en me retenant, ſi je ne peux vaincre ta raiſon, que je captive au moins ton cœur. J’ai beſoin de toi, ne me refuſes pas ton ſecours, voilà mille louis, ils t’appartiennent dès que le coup ſera fait. N’écoutant ici que mon penchant à faire le bien, je demandai tout de ſuite à la Dubois ce dont il s’agiſſait, afin de prévenir, ſi je le pouvais, le crime qu’elle s’apprêtait à commettre. — Le voilà, me dit-elle, as-tu remarqué ce jeune Négociant de Lyon, qui mange ici depuis quatre ou cinq jours. — Qui ? Dubreuil ! — Préciſément. — Eh bien ? — Il eſt amoureux de toi, il m’en a fait la confidence, ton air modeſte & doux lui plaît infiniment, il aime ta candeur, & ta vertu l’enchante, cet amant romaneſque a huit cents mille francs en or ou en papier dans une petite caſſette auprès de ſon lit, laiſſe-moi faire croire à cet homme que tu conſens à l’écouter, que cela ſoit ou non,