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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/425

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tinua Valbois en me demandant la permiſſion de m’embraſſer ; Madame Bertrand part demain à la pointe du jour : ſuivez-la, & qu’un peu plus de bonheur puiſſe vous accompagner dans une ville où j’aurai peut-être la ſatisfaction de vous revoir bientôt.

L’honnêteté de ce jeune-homme, qui fonciérement ne me devait rien, me fit verſer des larmes. Les bons procédés ſont bien doux, quand on en éprouve depuis ſi longtemps d’odieux. J’acceptai ſes dons en lui jurant que je n’allais travailler qu’à me mettre en état de pouvoir les lui rendre un jour. Hélas ! penſai-je en me retirant, ſi l’exercice d’une nouvelle vertu vient de me précipiter dans l’infortune, au moins pour la premiere fois de ma vie l’eſpérance d’une conſolation s’offre-t-elle dans ce gouffre épouvantable de maux, où la vertu me précipite encore.

Il était de bonne heure : le beſoin de reſpirer me fit deſcendre ſur le quai de l’Iſere, à deſſein de m’y promener quelques inſtans ; &, comme il arrive preſque toujours en pareil cas, mes réflexions me conduiſirent fort loin. Me trouvant dans un endroit iſolé, je m’y aſſis pour penſer avec plus de loiſir ; cependant la nuit vint ſans que je penſaſſe à me retirer, lorſque tout-à-coup je me ſentis ſaiſie par trois hommes. L’un me met une main ſur la bouche, & les deux autres

  Tome II.
I