cet événement allait la plonger, en l’aveuglant
ſur le reſte ; ne lui permît pas de voir mes manœuvres :
j’étais d’ailleurs, avait ajouté la Bertrand,
une fille de mauvaiſe vie échappée du
gibet à Grenoble, & dont elle ne s’était ſottement
chargée que par excès de complaiſance pour un
jeune homme de ſon pays, mon amant ſans doute.
J’avais publiquement & en plein jour raccroché
des Moines à Lyon : en un mot, il n’était rien dont
cette indigne créature n’eût profité pour me
perdre, rien que la calomnie aigrie par le déſeſpoir
n’eût inventé pour m’avilir. À la ſollicitation
de cette femme, on avait fait un examen
juridique ſur les lieux mêmes. Le feu avait commencé
dans un grenier à foin où pluſieurs personnes
avaient dépoſé que j’étais entrée le ſoir
de ce jour funeſte, & cela était vrai. Déſirant
un cabinet d’aiſance mal indiqué par la ſervante
à qui je m’adreſſai, j’étais entrée dans ce galetas,
ne trouvant pas l’endroit cherché, & j’y étais
reſtée aſſez de temps pour faire ſoupçonner ce
dont on m’accuſait, ou pour fournir au moins des
probabilités ; & on le fait ; ce ſont des preuves
dans ce ſiécle-ci. J’eus donc beau me défendre,
l’Exempt ne me répondit qu’en m’apprêtant des
fers : mais, Monſieur, dis-je encore avant que de
me laiſſer enchaîner, ſi j’avais volé ma compagne
de route à Villefranche, l’argent devrait ſe trouver
ſur moi : qu’on me fouille. Cette défenſe ingé-
Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/446
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 150 )