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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/456

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quelques dédommagemens, quelque reconnaiſſance de votre part ? Ah ! daignez n’y pas fermer votre cœur, quand le voile de la mort s’étend ſur mes triſtes jours ; ce n’eſt pas elle que je crains, c’eſt l’ignominie ; ſauvez-moi de l’horreur de mourir comme une criminelle : tout ce que j’exige de vous ſe borne à cette ſeule grace, ne me la refuſez pas, Monſieur, ne me la refuſez pas, & le Ciel & mon cœur vous en récompenſeront un jour.

J’étais en larmes, j’étais à genoux devant cet homme féroce, & loin de lire ſur ſa figure l’effet que je devais attendre des ſecouſſes dont je me flattais d’ébranler ſon ame, je n’y diſtinguais qu’une altération de muſcles cauſée par cette ſorte de luxure dont le germe eſt la cruauté. Saint-Florent était aſſis devant moi ; ſes yeux noirs & méchans me conſidéraient d’une maniere affreuſe, & je voyais ſa main faire ſur lui-même des attouchemens qui prouvaient qu’il s’en fallait bien que l’état où je le mettais fût de la pitié ; il ſe déguiſa néanmoins, & ſe levant, — Écoutez, me dit-il, toute votre procédure eſt ici dans les mains de Monſieur de Cardoville ; je n’ai pas beſoin de vous dire la place qu’il occupe ; qu’il vous ſuffiſe de ſavoir que de lui ſeul dépend votre ſort : il eſt mon ami intime depuis l’enfance, je vais lui parler ; s’il conſent à quelques arrangemens, on viendra vous prendre à l’entrée de la nuit, afin qu’il vous voie ou chez lui ou chez moi ; dans

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