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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/47

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détails amuſans, avant que de vous entretenir de mes malheurs.

Vous ſçaurez, cependant, Madame qu’on n’avait jamais d’autre lumière dans l’appartement de M. du Harpin que celle qu’il dérobait au réverbère heureuſement placé en face de ſa chambre ; jamais ni l’un ni l’autre n’uſaient de linge ; on emmagaſinait celui que je faiſais, on n’y touchait de la vie ; il y avait aux manches de la veſte de Monſieur, ainſi qu’à celles de la robe de Madame, une vieille paire de manchettes couſues après l’étoffe, & que je lavais tous les Samedis au ſoir ; point de draps, point de ſerviettes, & tout cela pour éviter le blanchiſſage. On ne buvait jamais de vin chez lui, l’eau claire étant, diſait Madame du Harpin, la boiſſon naturelle de l’homme, la plus ſaine & la moins dangereuſe. Toutes les fois qu’on coupait le pain, il ſe plaçait une corbeille ſous le couteau, afin de recueillir ce qui tombait ; on y joignait avec exactitude toutes les miettes qui pouvaient ſe faire aux repas, & ce mêt, frit le Dimanche, avec un peu de beurre, compoſait le plat de feſtin de ces jours de repos ; jamais il ne fallait battre les habits ni les meubles de peur de les uſer, mais les houſſer légèrement avec un plumeau. Les ſouliers de Monſieur, ainſi que ceux de Madame, étaient doublés de fer, c’étaient les mêmes qui leur avoient ſervi le jour de leurs noces ; mais une pratique