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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/485

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elle ; la foudre était entrée par le ſein droit ; après avoir conſumé ſa poitrine, ſon viſage, elle était reſſortie par le milieu du ventre. Cette miſérable créature faiſait horreur à regarder ; Monſieur de Corville ordonne qu’on l’emporte… — « Non, dit Madame de Lorſange, en ſe levant avec le plus grand calme ; non, laiſſez-là ſous mes regards, Monſieur, j’ai beſoin de la contempler pour m’affermir dans les réſolutions que je viens de prendre. Écoutez-moi, Corville, & ne vous oppoſez pas ſur-tout au parti que j’adopte, à des deſſeins dont rien au monde ne pourrait me diſtraire à préſent.

» Les malheurs inouis qu’éprouve cette infortunée, quoiqu’elle ait toujours reſpecté ſes devoirs, ont quelque choſe de trop extraordinaire, pour ne pas m’ouvrir les yeux ſur moi-même ; ne vous imaginez pas que je m’aveugle par ces fauſſes lueurs de félicité dont nous avons vu jouir dans le cours des aventures de Théreſe, les ſcélérats qui l’ont flétrie. Ces caprices de la main du Ciel ſont des énigmes qu’il ne nous appartient pas de dévoiler, mais qui ne doivent jamais nous ſéduire. Ô mon ami ! La proſpérité du Crime n’eſt qu’une épreuve où la Providence veut mettre la Vertu, elle eſt comme la foudre dont les feux trompeurs n’embéliſſent un inſtant l’atmoſphère, que pour précipiter dans les abîmes de la mort le malheu-