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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/89

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river jettera, ce me ſemble, encore plus d’intérêt ſur vous. Bien éloignée de ſoupçonner les deſſeins de ce monſtre & d’imaginer qu’il devait y avoir pour moi, moins de sûreté avec lui, que dans l’infâme compagnie que je quittais, j’accepte tout ſans crainte, comme ſans répugnance ; nous dînons, nous ſoupons enſemble ; il ne s’oppoſe nullement à ce que je prenne une chambre ſéparée de la ſienne pour la nuit, & après avoir laiſſé paſſer le grand chaud, sûr à ce qu’il dit, que quatre ou cinq heures ſuffiſent à nous rendre chez ſa parente, nous quittons Luzarches & nous nous acheminons à pied vers Bondi.

Il était environ cinq heures du ſoir lorſque nous entrâmes dans la forêt. Saint-Florent ne s’était pas encore un inſtant démenti, toujours même honnêteté, toujours même déſir de me prouver ſes ſentimens ; euſſé-je été avec mon père, je ne me ſerais pas crue plus en ſureté. Les ombres de la nuit commençaient à répandre dans la forêt, cette ſorte d’horreur religieuſe qui fait naître à-la-fois la crainte dans les ames timides, le projet du crime dans les cœurs féroces. Nous ne ſuivions que des ſentiers ; je marchais la premiere, je me retourne pour demander à Saint-Florent ſi ces routes écartées ſont réellement celles qu’il faut ſuivre, ſi par haſard il ne s’égare point, s’il croit enfin que nous devions arriver bientôt. — Nous y ſommes, Putin, me répondit ce ſcélérat, en me