Aller au contenu

Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 91 )


n’eſt qu’à une lieue du château où je vous conduis, & qu’à la plus légère faute, vous y ſerez auſſitôt ramenée.

À l’inſtant j’oublie mes malheurs, je me jette aux genoux du Comte, je lui fais, en larmes, le ſerment d’une bonne conduite ; mais auſſi inſenſible à ma joie qu’à ma douleur, — marchons, dit Bressac, c’eſt cette conduite qui parlera pour vous, elle ſeule réglera votre ſort.

Nous avançons ; Jaſmin & ſon maître cauſaient bas enſemble ; je les ſuivais humblement ſans mot dire. Une petite heure nous rend au château de Madame la Marquiſe de Bressac, dont la magnificence & la multitude de valets qu’il renferme, me font voir que quelque poſte que je doive remplir dans cette maiſon, il ſera sûrement plus avantageux pour moi que celui de la gouvernante en chef de M. du Harpin. On me fait attendre dans un Office où Jaſmin m’offre obligeamment tout ce qui peut ſervir à me reconforter. Le jeune Comte entre chez ſa tante, il la prévient, & lui-même vient me chercher une demi-heure après pour me préſenter à la Marquiſe.

Madame de Bressac était une femme de quarante-ſix ans, très-belle encore, qui me parut honnête & ſenſible quoiqu’elle mêlât un peu de ſévérité dans ses principes & dans ſes propos ; veuve depuis deux ans de l’oncle du jeune Comte, qui l’avait épouſée ſans autre fortune que le beau nom qu’il

G 2