Aller au contenu

Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
LA MARQUISE DE GANGE

que si (comme cela était présumable) la marquise, furieuse de ce qu’elle voyait, prenait le parti de retourner promptement à Gange, qu’elle le fît seule ou avec Villefranche, ce serait toujours à l’auberge des voitures qu’elle s’adresserait pour en avoir une. Un voiturier, gagné par Théodore, devait en conséquence s’offrir à elle, et ce fut précisément avec cet homme aposté que Villefranche, ignorant ces détails, fit aussitôt monter Euphrasie ; et, à quelques déclarations près, faites par Villefranche à la marquise, le respect et la circonspection régnèrent dans ce tête-à-tête ; tout s’y passa le mieux du monde jusqu’aux environs de Montpellier. Mais à deux lieues de cette ville, au milieu d’un petit bois de pins, le voiturier tout à coup s’arrête. Villefranche a beau lui demander raison de ce procédé, on se contente de lui répondre qu’il faut laisser souffler les chevaux. Ici la marquise ne peut se défendre d’un peu d’inquiétude… Que faire ?… La volonté de tous ces gens-là est invariable : plus ils ont tort, plus ils sont insolents. Il faut avoir voyagé dans ce pays-là pour connaître la vérité de ce principe. On s’arrête donc près d’un quart d’heure dans le bois ; mais, à l’approche de deux hommes de fort mauvaise mine, bientôt la crainte redouble ; et ce qui l’accroît, c’est que Villefranche, enlevé de Beaucaire à la hâte, n’avait pris aucune précaution de sûreté : point de pistolet, pas même son épée.