Aller au contenu

Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
LA MARQUISE DE GANGE

Quoi qu’il en fût, le scélérat, qui avait compté sur de plus longs délais, se trouva fort étonné de voir aussitôt dénouer des trames auxquelles son abominable imagination avait assigné de beaucoup plus longs termes. Ainsi, dès que les époux arrivèrent, il fallut se prêter à la joie générale, ce qui n’embarrassa pas beaucoup un homme élevé dès l’enfance à la feinte et à l’hypocrisie.

Telle était la situation des esprits lorsque Villefranche reparut.

Ce jeune homme faible, mais intéressant, et toujours intérieurement amoureux de madame de Gange, témoigna la plus vive inquiétude sur le sort de l’épouse de son ami, dont il venait s’assurer lui-même. Il dit que, malgré les menaces qu’on lui avait faites, s’il faisait des démarches pour retrouver celle dont on l’avait si cruellement séparé, aussitôt qu’on l’eut laissé libre, il était revenu sur ses pas ; il avait, disait-il, retrouvé le souterrain, mais personne dedans ; que, ne sachant alors comment faire pour suivre ses recherches, il était revenu à Avignon, avec le projet de s’éclaircir avec la mère même de madame de Gange ; qu’il avait néanmoins rejeté ce projet, dans la crainte d’ébruiter une aventure que la famille, sans doute, serait bien aise de tenir secrète ; que c’était par hasard enfin qu’il avait appris que madame de Gange était de retour dans son château ; qu’il s’était empressé de venir