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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/152

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LA MARQUISE DE GANGE

au haut de laquelle elle est ; une lucarne fort élevée, garnie de barreaux de fer, laisse pénétrer à peine dans ce réduit lugubre quelques rayons d’un astre dont aucun homme n’a le droit de priver son semblable. Une table, deux mauvaises chaises et un châlit cloué au mur, sur lequel reposent deux mauvais matelas, voilà les meubles destinés à cette femme, jusqu’alors élevée dans le luxe et dans l’abondance.

— On entrera chez vous une fois par jour, madame, dit Alphonse en se retirant ; ce sera pour vous porter des vêtements et votre nourriture ; si vous dites un Seul mot à la femme qui vous servira, votre porte ne s’ouvrira plus. Adieu… Puisse le séjour que vous allez faire dans ce cachot rendre votre âme à la vertu, et me faire, s’il se peut, oublier vos fautes ! — Monsieur, dit la marquise, me sera-t-il permis de vous écrire ? — Vous n’écrirez à personne, madame ; vous voyez qu’on n’a rien laissé dans votre chambre, qui puisse servir à cela. Voici quelques livres de piété ; reprenez-y des sentiments qui n’auraient jamais dû sortir de votre cœur.

Euphrasie se précipite au travers de la porte, quand elle voit son époux prêt à la fermer ; elle lui tend les bras, sans prononcer une parole… Ô langage éloquent de la douleur muette ! vous n’arrivez plus jusqu’au cœur qui doit vous entendre ; votre énergie se fond dans les torrents de