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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/204

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LA MARQUISE DE GANGE

Le brave Perret, toujours enclin aux partis extrêmes, fit une figure épouvantable, en voyant qu’on lui ravissait les moyens de commettre un crime. Il secoua trois fois son effrayante tête, et dit en jurant : — Vous êtes trop bon, monsieur l’abbé, vous êtes trop doux ; souvenez-vous que vous vous en repentirez, et que, tôt ou tard, vous serez forcé de revenir aux moyens les plus rigoureux, quand cela ne sera peut-être plus possible. — Mon ami, dit Théodore, tu me connais assez pour être bien sûr que ce n’est pas de l’action proposée que je suis effrayé ; je ne le suis que de la certitude de sa parfaite inutilité, et de celle de la voir tourner à notre détriment beaucoup plus qu’à la fortune. Qu’il te suffise de savoir que tu seras content de moi dans l’occasion. Et Perret, calmé fort à contre-cœur, fut se nourrir, comme le serpent, du venin qu’il ne pouvait lancer.

La sensible Euphrasie implorait à genoux le Dieu de bonté et de miséricorde, dont seul elle attendait un peu de soulagement à ses maux, lorsque Théodore entra chez elle.

— Tout est changé, madame, lui dit-il, et pour ne pas différer l’éclaircissement des nouvelles heureuses que m’apprend Alphonse, veuillez me suivre chez madame votre mère, afin qu’elle les apprenne en même temps.

Euphrasie, dont l’âme exercée par le malheur