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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/244

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LA MARQUISE DE GANGE

grand Dieu ! que m’arrive-t-il, dit la marquise, en se renfonçant malgré elle dans la voiture… Que vais-je devenir ? Pourquoi donc faut-il que je sois toujours la victime de mon imprudence ?… — Tranquillisez-vous, madame, lui dit une voix qui lui est inconnue, il ne vous arrivera rien de fâcheux, rien au moins de bien affligeant pour une jolie femme. — Mais c’est donc monsieur de Caderousse qui me fait cet affront ? — Non, madame, il n’est pour rien dans tout cela. — C’est donc mon beau-frère ? Il n’y avait qu’eux deux avec moi, lorsque j’ai pris ce breuvage soporifique. — Eh bien ! ce n’est ni l’un ni l’autre des deux personnes que vous nommez. — Je n’étais donc point au bal chez la duchesse de Caderousse ? — Vous y étiez, madame. — Mais le chevalier de Gange n’était donc pas avec moi ? — Il y était, madame. — Et ce ne sont point eux qui me font enlever ? — Non, madame, un philtre puissant vous a été donné dans le bouillon que vous avez pris. De ce moment, tout a changé de face : un homme très amoureux de vous s’est emparé de votre personne ; et, à l’instant où le chevalier de Gange et monsieur le duc volaient vous chercher du secours, l’homme dont nous vous parlons vous a emportée dans cette voiture, en vous confiant à nos soins. Nous sommes bien près de notre destination : là, madame, vous connaîtrez votre ravisseur ; là, vous verrez à vos