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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/278

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LA MARQUISE DE GANGE

sur le même rivage le malheureux forçat, qui, dans l’égal projet de s’enrichir, manqua des moyens honnêtes qui pouvaient le conduire à son but ; il a la honte sur le front, la douleur dans les yeux ; il fait pour s’étourdir le meilleur usage des talents qu’il reçut. Des concerts multipliés sur plusieurs points de ce quai magnifique, cette foule de curieux ou de gens affairés se croisant, se heurtant en tout sens, partout enfin l’enjouement, la folle gaieté de cette nation Vive et laborieuse, qui cependant ne se livre aux plaisirs qu’après avoir rempli les premiers objets de ses rapports et de ses intérêts commerciaux ; tout, sans doute, tout contribue à rendre le port de Marseille l’un des plus beaux spectacles qu’il y ait au monde, et madame de Gange admirait sans songer qu’elle faisait elle-même un des premiers objets de l’admiration publique, et vraiment le tête-à-tête d’une aussi jolie femme avec l’un des jeunes gens les plus à la mode et les plus aimables du siècle paraissait étrange à beaucoup de monde.

L’infortunée se distrayait une minute, ne se doutant pas que ses ennemis, travaillant au double projet de la séduire et de la déshonorer, ne la promenaient ainsi que dans l’intention de l’afficher. Elle fut, à son grand chagrin, rencontrée et malignement saluée par beaucoup de gens de sa connaissance, entre autres par beaucoup de