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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/28

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LA MARQUISE DE GANGE

tes ancêtres ; et m’adressant à l’Éternel : Dieu saint, lui dirai-je avec componction, le cœur d’Alphonse est le sanctuaire des vertus que ses illustres parents lui laissèrent, tâche qu’elles soient lancées dans l’âme de ses enfants, par les feux brûlants de la mienne.

On partit : l’antique et superbe château de Gange fut choisi pour le lieu de l’habitation des deux jeunes époux. Le chef-lieu de cette noble maison est situé près de la ville de Gange, à sept lieues de Montpellier, sur les bords de la rivière de l’Aude. Heureuse et paisible ville, où l’industrieux habitant trouve, dans les ressources de ses manufactures, l’aisance que les arts préfèrent à ces richesses accumulées sans peine, et par le moyen desquelles le citoyen des villes, en consommant les fruits de l’industrie, ne les dévore qu’en en détruisant à la fois les germes et les branches.

Nos voyageurs avaient passé la dernière nuit à Montpellier ; et c’est de cette ville qu’ils étaient partis, à la pointe du jour, pour arriver de bonne heure au lieu de leur destination. À peine furent-ils à moitié chemin qu’une des roues de la voiture cassa, et madame de Gange, dans sa chute, se froissa l’épaule droite[1]. Les inquiétudes du marquis furent inexprimables. La crainte que les

  1. Nos lecteurs sont priés de ne pas oublier cette circonstance, aussi singulière que vraie.