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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/307

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LA MARQUISE DE GANGE

quelques-unes. Elle les tire d’une cassette dont elle seule avait la clef, et les avale. Cette circonstance est aussitôt racontée aux frères qui ne disent mot.

Dans la soirée, la marquise invita plusieurs dames à venir goûter au château. Elle fit les honneurs de ce repas avec toute la grâce et toute la liberté d’esprit qu’on puisse imaginer ; elle mangea beaucoup, et continua de paraître extrêmement gaie. Ses deux beaux-frères prirent part à ce repas ; mais on remarqua qu’ils étaient très distraits et rêveurs : la marquise les en plaisanta, ils ne changèrent pas.

Après le goûter, l’abbé reconduisit les dames. Le chevalier resta près de sa sœur, et cet intervalle fut rempli par des choses charmantes qu’adressa la marquise à son frère, sur le retour de la tranquillité dont elle jouissait maintenant, et qu’elle ne croyait pouvoir attribuer qu’à lui. À tout cela, de Gange, toujours soucieux, ne répondit pas un seul mot. La marquise lui prit la main : — Eh quoi ! chevalier, lui dit-elle, vous ne m’aimez donc plus ? Votre froideur me le ferait craindre, ou voulez-vous par là me faire croire que mes malheurs ne sont pas finis ?… — Non, non, ils ne le sont pas, dit l’abbé, en rentrant comme un furieux, le pistolet d’une main, et tenant de l’autre le breuvage qu’Euphrasie avait refusé le matin ; il faut mourir, madame ; plus aucune