Aller au contenu

Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
LA MARQUISE DE GANGE

rêve ou d’un pressentiment ? On l’ignore ; mais elles furent entendues ; et c’est ici sans doute où l’un et l’autre de ces avis solennels de la nature se confondent, mais où elle est bien loin de se méprendre, en les jetant aussi confusément dans nous

Qui devait parsemer d’épines l’heureuse carrière où devait entrer Euphrasie ? Richesses, honneurs, beauté, naissance… Quels êtres assez méchants pourraient entraver les pas de madame de Gange dans cette route brillante de la vie ? Qui devait en faner les roses ? Qui pourrait être assez barbare pour courber sous le joug du malheur celle dont la seule étude était d’adoucir celui des autres, et qui plaçait avec tant de délicatesse, au rang de ses plus douces jouissances, celle de deviner l’infortune, ou pour la soulager ou pour la prévenir ? Qui donc pourrait désenchanter ainsi les illusions de l’existence dans l’âme aimante de la belle marquise ?… Ah ! ne nous pressons pas de l’apprendre : le crime est si cruel à peindre ; les couleurs dont un historien fidèle doit le nuancer sont à la fois si sombres et si lugubres qu’au lieu de l’offrir à nu, on préférerait souvent le laisser deviner ou se tracer lui-même, plus par les faits qui le constituent, que par les crayons dégoûtants dont on est forcé de le dessiner.

La marquise se leva un peu plus calme. On imagine bien qu’Alphonse s’était introduit chez